La berbéritude païenne du roman maghrébin de langue française.

La berbéritude païenne du roman maghrébin de langue française contestée
dans l’essai doctoral de Mohammed-Saâd Zemmouri
Par: SOSSE ALAOUI MOHAMMED

“Les genres littéraires, écrit Yves Mabin, sont universels. Certains ont leur origine dans un pays précis. L’essai est un genre d’origine française.”- In Eric Vigne, L’Essai, Ed. MAEF, 1997, p.7. Quant à l’essai doctoral de Mohammed Saâd Zemmouri dont nous abordons “la lecture théorique rétrospective” – Louis Altusser et al., Lire le Capital I, Ed. Maspéro, Paris, 1973, p.16 - , il constitue un sous-genre du premier, puisqu’il provient d’une thèse de doctorat d’Etat intitulée : Présence berbère et Nostalgie païenne dans la Littérature maghrébine de Langue française – Imp. Al Topress, Tanger, 2000, 185 p. Or, la problématique que soulève son corpus littéraire, en particulier romanesque, maghrébin de langue française, comporte une contestation explicite du fondement mythico-littéraire historisant du “mouvement culturel berbère” (la “berbéritude” en filigrane), épigone innommé dans le texte de l’ancien “mouvement culturel nègre” (la “négritude”comme archétype non-dit) et dont l’introduction de l’auteur en esquisse la revendication ethnique identitaire,mythico-littéraire historisant ainsi:
“ Le berbérisme a priori est lié à l‘engagement des Berbères défendant leur identité (ou encore “berbéritude”). Cependant nous devons souligner ici que les textes (ou romans du corpus) sur lesquels nous avons tavaillé ne sont pas le fait uniquement d’écrivains d’ascendance amazighe. Certains le sont, comme le Marocain Mohammed Khaïr-Eddine et l’Algérien Nabile Farès. Driss Chraïbi, lui, est Arabe et a écrit d’une manière désintéressée sur un sujet d’actualité. Même situation pour Kateb Yacine, perçu en Algérie comme un farouche berbériste, qui a toujours entretenu l’ambiguïté sur ses origines mais qui n’est pas à notre connaissance d’origine berbère.” – Présence berbère et Nostalgie païenne…, Op. cit., p. 11.
Selon cette perspective, cet essai sur “la berbérité”(p.44), disons “la berbéritude”, épouse curieusement les traits fondamentaux caractéristiques de son archétype culturel inavoué “la négritude”, défini à travers cette remarque de Laurent Sabbah: “ Les deux hommes (Aimé Césaire et Léopold Sédar Senghor), accompagnés du poète guyanais Léon-Gontran Damas, créent le mouvement de la négritude. Ils affirment haut et fort la grandeur de l’histoire et de la civilisation noire face au monde occidental qui les avait jusque-là dévalorisées. Ils refusent l’existence d’une essence noire, mais veulent faire de leur identité nègre et de l’ensemble des valeurs culturelles du monde noir une source de fierté.” – Ecrivains français d’Outre-Mer, Ed. Adpf, Paris, 1997, p. 33. D’où le recours à:
I- Une lecture théorique rétrospective d’une “berbéritude” en filigrane contestatrice:
Une lecture théorique rétrospective d’une “berbéritude” en filigrane comme reflet historisant de “la négritude” dans cet essai”, permet d’y repérer à la fois une contestation explicite multiforme par l’essayiste de sa représentation mythico-littéraire (tant par les militants berbères que par les romanciers hétéro-ethniques étudiés, partisans actuels d’une revendication nostalgique d’une identité berbère païenne en Afrique du Nord), ainsi qu’une reconnaissance de la limite mythico-historisante littéraire du corpus (romanesque) de cette “berbéritude” identitaire païenne en filigrane. Certes, on peut y relever au moins six contestations de l’essayiste retrançant les limites de cette historisation romanesque de “la berbéritude”en filigrane, innommée en question, à savoir:
(1)- La contestation dans ce travail de la revendication du paganisme par les Berbères dans les sociétés maghrébines actuelles fait écrire à l’auteur dans son introduction: “ On ne doit pas comprendre de notre travail que les Berbères revendiquent le paganisme. Celui qui connaît véritablement les sociétés maghrébines sait qu’elle sont un creuset où se sont fondues les deux ethnies, Berbères et Arabes, pour constituer ensemble une communauté soudée par les liens solides créés entre eux par l’islam depuis le VIIè siècle. C’est pourquoi il convient de dire que nos écrivains ne représentent qu’eux-mêmes, même si par ailleurs leurs prises de positions rejoignent sur certains points le combat du mouvement culturel berbère.” – Présence berbère et nostalgie païenne, Op.cit., p. 13.
(2)- La contestation par celui-ci de la revendication par les écrivains des romans étudiés d’une identité mythico-historisante d’un peuple berbère autochtone. “ Certes, ils (les Berbères ou Imazighen) en sont (des populations de la région de siwa) les habitants les plus anciens, mais eux-mêmes trouvèrent sur les terres qu’il conquirent, d’autres populations, qu’ils ont bousculées, voire asservies. Les Berbères ont eux-mêmes suivi la loi des migrations et des conquêtes de terres. Ainsi l’argument du peuple berbère autochtone, souvent avancé par certains berbéristes et par nos écrivains eux-mêmes nest pas fondé sur une connaissance objective de l’histoire de l’Afrique du Nord mais relève plus de conceptions mythiques.” – M-S Zemmouri, Op.cit., p. 18.
(3)- La contestation d’une origine géographique maghrébine des Berbères revendiqués dans les romans cités à travers ce passage de l’essai: “ Les historiens ne connaissent pas avec certitude l’origine des Berbères et plusieurs hypothèses sont avancées à ce propos, mais la plus solide et la plus plausible demeure celle d’une origine orientale.” – Op.cit., p.17.
(4)- La contestation de la revendication d’une langue et d’une graphie uniques berbères, standardisés, répondant aux sentiments identitaires (ou “berbéritude”) des concernés et dont l’essayiste dit proprement: “ Ainsi la renaissance berbère s’est traduite tout d’abord par les travaux réalisés par les berbérophones sur leur langue, ou plus exactement sur les divers dialectes qui s’y apparentent (…). Rappelons ici que le berbère a cessé de s’écrire depuis des temps immémoriaux. Les historiens pensent que cette langue avait une graphie propre que l’on appelle le tifinagh qui ressemblait à l’écriture utilisée aujourd’hui encore par les Touaregs.” - Présence berbère et nostalgie païenne, Op.cit., pp. 24-25.
Encore faut-il souligner (pour notre part) le nom “tifinagh” qui rappelle si bien phonétiquement le nom “Finiqia” (ou Phénicie) dont Bouarich dit notamment: “ Le Rif Occidental (Maroc) avait attiré les Phéniciens et les Carthaginois dès le 12ème siècle avant Jésus-Christ. Entre le 12ème et 7ème siècle, ils y fondèrent les comptoirs de: Lixus, Tingis, Zilis.” – “ Histoire: Le Rif”, Amazigh, N°8- 1982, Rabat, p. 10.
(5)- La contestation d’un diaspora berbère et d’un pan-berbérisme due uniquement au rôle joué par l’émigration surtout algérienne (kabyle) que M-S Zemmouri formule de la sorte: “ Signalons également le rôle joué par l’émigration surtout algérienne (kabyle), assez importante par son nombre et surtout assez efficace par sa contribution au développement du mouvement berbère (…). Cette dispora berbère a notamment joué un rôle déterminant dans la préparation et la tenue de la rencontre qui a abouti à la création du Congrès Mondial Amazighe qui ss’est tenu dans le sud de la France en septembre 1995.
Il existe aujourd’hui au Maghreb une véritable conscience identitaire berbère. Les militants berbéristes cherchent ainsi à coordonner leur action à l’échelle maghrébine et au-delà ( Maroc, Algérie, Lybie, Iles Canaries, Touaregs, etc.). Ils visent à développer les liens entre eux dans le cadre d’un pan-berbérisme qui leur permettrait de mettre en commun leur expérience et de renforcer une coopération entre des acteurs confrontés à des situations où ils affrontent des problèmes similaires.” – Op.cit., p. 27.
(6)- La contestation des origines hétéro-ethniques des écrivains (notamment romanciers) du corpus analysé et de leur identification imaginaire ou subversive (ou mythe littéraire) irréaliste du “berbérisme” au “pagananisme” (ou “berbéritude” païenne) outrepassant, pour certains d’entre eux, les protagonistes mêmes du mouvement culturel berbère actuel, est très visible dans ces passages de cet essai doctoral: “ Nul doute que ces importantes avancées pour la promotion de la langue et la culture amazighes ont satisfaits des écrivains comme l’Algérien Nabile Farès ou les Marocains Driss Chraïbi et Mohammed Khaïr-Eddine qui ont rêvé et écrit pour la reconnaissance de l’amazighité maghrébine et constituent une satisfaction posthume pour celui qui fut un des militants désintéressés de la cause berbère, n’étant peut-être pas lui-même berbère, Kateb Yacine (p.30).
Et plus loin dans: “ Ceux-ci (les romanciers) se sont attachés, chacun à sa manière, à défendre le berbérisme, allant même pour certain, plus loin que les protagonistes du mouvement culturel berbère, jusqu’à identifier celui-ci avec le paganisme. La littérature ne dépasse-t-elle pas la réalité en exprimant les rêves, les aspirations, l’imaginaire des écrivains dont la vocation est parfois de transcender et subverir le réel et les réalités au lieu de les copier?” – Ibid., p. 30.
De fait, la lecture théorique rétrospective a rendu visible cette contestation multiforme de M-S Zemmouri de la “berbéritude”, inscrite en filgrane dans son essai doctoral, dénommée par lui sous les termes de “ berbérité” (ou de “berbérisme”) dont la lisibilité ici comme reflet de son archétype historique innommée, “la négritude” dénonce la limite de sa représentation subversives du réel et des réalités objectives arabo-berbères revendiqués par les romans maghrébins de langue française choisis et celle de la reconnaissance de l’essai mythico-littéraire (romanesque) historisante de cette “berbéritude” païenne en filigrane innommée et par conséquent invisible et non-dite dans la thèse de l’essai.
II- Limites d’une représentation mythico-romanesque historisante d’une “berbéritude” en filigrane innommée:
Cette “berbéritude” innommée y a donc pour représentation historisante limitée une référence privilégiée, selon l’essayiste , à un mythe littéraire ayant pour configuration multiple “la Kahina”, en vue de légitimer une revendication identitaire berbère païenne et mettre en cause l’arabo-islamisme au Maghreb. Zemmouri en relate dit en l’occurrence: “ Nos écrivains bâtissent autour de Kahina un véritable mythe (…). Mais au delà du mythe, il reste que pour nos écrivains, et surtout pour les Algériens, Kahina est une référence privilégiée pour légétimer la revendication identitaire berbère et pour remettre en question l’idéologie officielle au Maghreb, à savoir l’arabo-islamisme. Affirmation du caractère amazighe de la région et nostalgie du passé païen, c’est ce qui est raconté ainsi à travers le mythe de la Kahina.” – Op.cit., pp. 119-120. De là, deux limites apparaissent de ce mythe romanesque de “la berbéritude” d’un point de vue théorique rétrosppectif à travers sa représentation et sa reconnaissance mythico-romanesque historisante en filigrane. De là devient visible la:
II.1- Limite de l’identité pluriethnique des romanciers de la “berbérittude” innommée en filigrane:
Selon cette lecture théorique rétrospective en tant que “relevé des concordances et des discordances, décompte de ce que l’essai a découvert” du “mouvemement culturel nègre” ( ou “négritude” innommée a priori ) comme archétype mythico-littéraire du “ mouvement culturel berbère” (ou “berbéritude ” en filigrane innommée a posteriori ) et “de ce qu’il a raté, de ses mérites et de ses défaillances, de ses présences et de ses absences”- Lire le Capital, Op.cit., p. 16 -, on peut relever quant à la configuration de cette “négritude” par les auteurs cités: une limite de l’identité pluriethnique de ses derniers et une limite mythico-littéraire (romanesque) de la représentation multiforme de sa figure mythique la Kahina.
Parallèlement à la limite de l’identité pluriethnique des romanciers partisans de cette “berbéritude” en filigrane, on pourrait évoquer l’identité pluricitoyenne des écrivains nègres comme limite mythico-littéraire de la “négritude” en son temps que décrit F. Fanon en ces termes: “ La culture nègre, la culture négro-africaine (la négritude) se morcelait parce que les hommes (écrivains pluricitoyens) qui se proposaient de l’incarner se rendaient compte que toute culture est d’abord nationale et que les problèmes qui maintenaient Richard Wright ou Langstone Hughes en éveil étaient fondamentalement différents (hétérogènes) de ceux que pouvaient affronter Léopold Senghor ou Jomo Kenyatta.” – Les damnés de la terre, Ed. Maspéro, Paris, 1970, p. 149.
A cette quasi similitude des auteurs de “la berbéritude” et de “la négritude ” répond cette remarque de Zemmouri dans son essai: “ Nul doute que ces importantes avancées (de l’amazighité de l’identité nationale ou “berbéritude”) pour la promotion de la langue et la culture amazighes ont satisfait des écrivains comme l’Algérien berbère Nabile Farès ou les Marocains Driss Chraïbi et Mohammed Khaïr-Eddine qui ont rêvé et écrit pour la reconnaissance de l’amazighité maghrébine et constituent une satisfaction posthume pour celui qui fut un des militants désintéssés de la cause berbère, n’étant peut-être pas lui-même berbère, Kateb Yacine.” – Op.cit., p. 30. Il les portraiture successivement ainsi:
(1)- Kateb Yacine: “ Kateb Yacine est connu pour son engagement en faveur des Berbères et son apologie de leur langue et de leur culture. Il est perçu comme un ardent militant berbériste qui a défendu cette cause avec passion, acharnement, et persévérance (…) Celui-ci serait-il berbère? La réponse n’est pas aisée quand on se réfère à ce que Kateb a écrit ou dit sur son ascendance (...) Dans une déclaration remontant à 1963 Kateb confirmait son ascendance arabe…” (p. 31).
(2)- Nabile Farès: “Farès écrit pour parler de sa communauté d’appartenance, les Berbères. Il écrit sur ses «compatriotes» qui sont non pas les Algériens, mais ceux qui appartiennent à la même ethnie que lui.” (p. 51).”
(3)- Driss Chraïbi: “ Si Chraïbi n’est pas berbère, à notre connaissance du moins, il a ainsi écrit sur les Imazighen, «les fils de la terre» comme il se plaît à les appeler, plusieurs romans d’affilé, ce qui témoigne de l’intérêt qu’il porte à ce sujet dont l’actualité n’échappe à personne au Maghreb.
(4)- Mohammed Khaïr-Eddine: “ Ecrivain d’ascendance berbère, Khaïr-Eddine conaîtra l’acculturation dès son enfance avec la scolarisation, et suite au contact avec la langue et la culture françaises (…). Car Khaïr-Eddine est l’enfant d’une terre, le Souss et le fils d’un peuple, lesBerbères du sud marocain, les Chleuhs.” (p. 84).
A cette limite de l’identité pluriethnique des romanciers maghrébins de langue française évoqués dans cet essai doctoral sur la “berbéritude” en filigrane partisans d’une revendication identitaire berbère païenne vient se joindre une seconde limite mytho-littéraire (romanesque) historisante, multiforme de la Kahina.
II.2- Limite mytho-romanesque historisante de la Kahina comme référence privilégiée multiforme d’une “berbéritude innommée” en filigrane:
Que ce soit “l’Afrique-Mère” pour “la négritude” ou “l’Afrique du Nord-Kahina-Païenne ” pour “la berbéritude” en filgrane, dévoilée par la lecture théorique rétrospective dans l’essai de M-S Zemmouri, il est à constater que l’une comme l’autre se prévaut d’une référence privilégiée à la fois mythitique et anthropomorphique uniforme dans un cas et multiforme dans l’autre.
“ On n’a donc pas pu parler d’une littérature négro-africaine, écrit Lylian Kesteloot, qu’au moment où les livres écrits par les Noirs ont exprimés leur propre culture (…). C’est ce qui explique le caractère agressif de leurs oeuvres et leur prédilection pour certains thèmes: l’analyse des souffrances antiques et multiformes que la race endure comme un destin (…), le retour enfin aux sources culturelles de l’Afrique-Mère, continent mythique certes, mais aussi très concrète matrice d’une Weltansschauung (vision du monde) qui a profondément déterminé l’âme des peuples éparpillés aujourd’hui dans le vaste diaspora nègre.” – Anthologie Négro-africaine, Ed. Marabout U, Paris, 1967, p. 123.
Et c’est également ce que dénote Zemmouri à propos de cette “berbéritude” innommée (ou selon lui “berbérité”) dans cette remarque synthétique relative au mythe historisant multiforme de la Kahina, chez les écrivains cités. “ En elle-même, écrit-il, la référence à un personnage tel que la Kahina ou Kocéïla par un écrivain maghrébin est déjà significative en ce qu’elle est anticonformiste. A fortiori cette évocation apparaît comme un engagement lorsqu’elle se fait louange, célébration, et lorsqu’elle s’inscrit dans une réappropriation explicite du passé berbère et païen de l’Afrique du Nord.” – Présence berbère et nostalgie païenne, Op.cit., p. 100. Or c’est ainsi que l’image mutiforme de la Kahina mythico-historisante prend sa forme synthétique chez chacun des écrivains considérés . A savoir pour:
(1)- Kateb Yacine: “ L’originalité de Kateb, suivant l’essayiste, est d’avoir fait de Kahina une païenne au sens non idolâtre ou polythéiste, mais dont le paganisme s’apparente à un matérialisme moderne. Dans la «femme sauvage» Kateb présente la Kahina comme une adoratrice de la terre, seule divinité qu’elle reconnaisse. Cette passion pour la terre est synonyme de patriotisme.” (p. 108). Kahina prend alors l’image de “la vierge aux abois” nommée la “Numidie”, abandonnée mourante par “Jugurtha”, comme l’évoque Rachid dans son roman Nedjma en se disant:
“ Et c’est moi, Rachid, nomade en résidence forcée, d’entrevoir l’irrésistible forme de la vierge aux abois (Kahina), mon sang et mon pays; à moi de voir grandir sous son premier nom arabe la Numidie que Jugurtha laissa pour morte. ” (p. 41).
(2)- Nabile Farès: “ Chez Farès, note-t-il, l’ogresse est associée également à une autre figure païenne, la Kahina (…). L’ogresse (vengeuse païenne) dont Farès raconte l’histoire dans son roman, Le Champ des Oliviers, apparaît plongée dans un sommeil séculaire dans la grotte d’Ikhashushen, village sutué (…) près d’Akbou (Algérie) ” (p. 125). On y lit: “ Moi. Jeune ogresse. Toute prête de dévorer, de faire connaître la douce dévoration de mes lèvres à cet homme (homme du Livre). Je dus m’enfuir. Descendre au plus profond des fonds de la terre et du jour (…). Oui. Pour que. Des hommes puissent grandir dans l’indépendance d’un livre (Le Coran) qui. A ce jour. Etonna bien du monde.” (p. 87).
(3)- Driss Chraïbi: “ C’est aussi l’image d’une «nationaliste» intransigeante et impitoyable que nous donne de la reine berbère le récit de D. Chraïbi. Il est vrai que chez lui la Kahina n’est pas au centre d’une mythologie comme chez Kateb ou Farès (…). Pour souligner son farouche patriotisme Chraïbi la décrit comme une ennemi impitoyable des autochtones traîtres, qu’il nomme les «Afariks».” Le narrateur en dit dans son roman La Mère du Printemps: “ Les partisans de la Kahina les décimaient sans merci, en premier, de préférence aux Arabes qui, eux, ne dénaturaient pas leur race et ne faisaient que leur devoir de conquérants. ” (pp. 58-59).
(4)- Mohammed Khaïr-Eddine: “ Khaïr-Eddine, selon Zemmouri, évoque Kahina dans ses textes comme une ancêtre emblématique (…). Dans Agadir le héros reconnaît comme divinité la «Déesse Sudique Rutilante» qui semble désigner à la fois Kahina et la terre du sud (…). L’histoire devient alors mythe. Mais alors que Farès et Kateb exaltent et célèbrent en elle la femme qui symbolise la résistance aux envahisseurs arabo-musulmans, Khaïr-Eddine, lui, préfère voir en elle le symbole de la révolte (contre l’ordre établi).” – Op.cit., p. 106. Dans ce même roman Kahina proclame: “ Je suis Kahina La Berbère. Les roumis m’appellent la Reine Serpent de Barbarie. Mais je suis communiste …” (p. 57).
De la sorte, la limite de l’identité pluriethnique des écrivains (romanciers) maghrébins de langue française cités et la limite mythico-romanesque historisante de leur mythe multiforme de la Kahina, comme référence privilégiée d’une “berbéritude” (païenne) en filigrane, innommée (non visible derrière les termes de: “berbérisme” et “berbérité” employés par l’essayiste), nous a permis, selon une lecture théorique rétrospective, de retracer au sein de l’essai doctoral de M-S Zemmouri les concordances, les discordances et la limite, , de la thèse d’une nostalgie concrète d’un mouvement culturel berbère païen (ou “berbérité” païenne) mythico-littéraire historisant par rapport à un parangon, mythico-littéraire non-dit de sa conception historique et culturelle, “le mouvement culturel nègre” antérieur (“la négritude”) d’une part et la réalité géo-historique pluriethnique et multiconfessionnelle objective des hommes peuplant le Maghreb actuel d’autre part.
En conclusion, il est possible de reconnaître, dans le cadre de cette lecture théorique rétrospective, avec F. Fanon, les limites de “la négritude”, comme archétype mythico-litéraire de “la berbéritude”, innommée en filigrane dans cet essai révlateur de M-S Zemmouri, comme le non-dit d’une revendication identitaire mythico-littéraire) historisante antérieur des hommes négro-africains, ayant pour substitut ici la revendication identitaire mythico-littéraire (romanesque) des berbéro-maghrébins , en affirmant: ‘”La négritude trouvait donc sa première limite dans les phénomènes qui rendent compte de l’historisation des hommes.” – Les damnés de la terre, Op.cit., p. 149. Et c’est ce que reconnaît en dernier lieu l’essayiste lui-même, en soulignant: “ Chose remarquable cependant, si tous (les romanciers cités) se réfèrent à la Kahina, l’image de celle-ci diffère d’un écrivain à l’autre. Ce qui confirme que nous sommes devant un vrai mythe. Le traitement de Kahina permet de mesurer l’originalité de chaque écrivain et de voir donc à l’oeuvre la part de l’imaginaire (la limite mythico-historisante) de chaque écrivain.”- Présence berbère et nostalgie païenne, Op.cit., p. 173.

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